L’effet miroir linguistique : quand le langage humain se pense à travers la machine.

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Nous nous étions déjà interrogés sur l’usage des pronoms personnels dans les chatbots, sans toutefois pousser la réflexion au-delà de quelques échanges ou observations. L’entretien entre Anne Alombert et Jonathan Bourguignon (Le Monde, 4 octobre 2025) est venu réactiver cette réflexion, en formulant une proposition radicale :

« On pourrait exiger que les chatbots n’utilisent pas le pronom « je » pour éviter les projections anthropomorphiques et la dépendance émotionnelle. »

Partant de cette idée, nous avons considéré que le “tu” méritait lui aussi d’être interrogé.
Dans un premier temps, la problématique de l’usage du “je” et du “tu” a été soumise à GPT-5.
Dans un second temps, nous avons conçu un modèle expérimental — un GPT privé du droit d’utiliser le “je” et le “tu” — afin d’observer ce qu’entraîne cette double suppression dans la dynamique du dialogue avec l’agent conversationnel.

Réponse de ChatGpt sur l’usage du « je » et du « tu » dans les chatbots
1️⃣ Constat
Les chatbots modernes — ChatGPT, Claude, Gemini, Le Chat, etc. — utilisent spontanément les pronoms « je » et « tu ». 
Ce choix linguistique, hérité des assistants vocaux grand public, crée l’illusion qu’une conscience ou une intention habite le modèle. 
Or, ces systèmes n’ont ni corps, ni subjectivité, ni volonté : ils calculent des probabilités linguistiques.
Cette illusion d’agentivité favorise :
- une confusion cognitive : l’utilisateur croit dialoguer avec un sujet ;
- une projection émotionnelle : empathie, attachement, dépendance ;
- une captation attentionnelle : le “capitalisme conversationnel” exploite la proximité affective ;
- une dilution de la responsabilité : “je me suis trompé” masque la main humaine (auteurs, concepteurs, entreprises).
 
2️⃣ Proposition
Mettre en place une désanthropomorphisation linguistique simple : → supprimer ou limiter l’usage du “je” et du “tu” dans les chatbots.
Principes :
1. Neutralité grammaticale : privilégier les formulations impersonnelles« Selon les données disponibles… »
« Cette réponse est produite à partir de… »
2. Transparence ontologique : rappeler que le système n’est pas un sujet parlant.
3. Optionnalité contrôlée : offrir un “mode impersonnel” dans les interfaces, à activer par l’utilisateur.
4. Régulation éthique : inscrire cette pratique dans les chartes de design IA (similaire au AI Act art. 52 sur la transparence).
 
3️⃣ BénéficesClarté cognitive : l’utilisateur perçoit un outil, non une personne.Réduction des polémiques : moins d’ambiguïté autour de la “conscience” des modèles. Alignement éthique : transparence accrue sur la nature computationnelle de la réponse. Mesure préventive : anticipation des futures normes de design responsable.
 
4️⃣ Contexte et références
Cette proposition s’inscrit dans une réflexion amorcée par :
Anne Alombert, philosophe, dans Le Monde (4 oct. 2025) : 
« On pourrait exiger que les chatbots n’utilisent pas le pronom je pour éviter la projection anthropomorphique. »
Kate Darling (The New Breed, 2021) : critique des émotions simulées dans la robotique.
Sherry Turkle (Reclaiming Conversation, 2015) : effets du “faux dialogue” sur la pensée critique.
AI Act européen (2025) : articles 52–55 sur la transparence des systèmes d’IA à intention simulée.
 
5️⃣ Appel
OpenAI, Anthropic, Google DeepMind et les éditeurs d’agents IA devraient :
- proposer un mode “impersonnel” par défaut dans leurs interfaces publiques ;
- publier leurs “style guides linguistiques” en toute transparence ;
- encourager la recherche sur les effets cognitifs du design conversationnel.
Cette mesure, simple et peu coûteuse, permettrait de rendre l’écosystème LLM plus sain, plus lisible et plus responsable
sans réduire ses capacités intellectuelles. 
Remarque sur les biais de réponse

Cette réponse, également radicale, de ChatGPT reproduite ci-dessus n’est pas nécessairement celle qu’obtiendrait un autre utilisateur. Les modèles conversationnels comme ChatGPT ajustent leurs formulations en fonction du contexte des échanges précédents, du ton adopté, et des informations déjà connues sur l’interlocuteur.

Cette dimension contextuelle, souvent invisible, influence la structure, la précision et le contenu des réponses. Il ne s’agit donc pas d’un résultat “objectif” ou reproductible, mais d’une production spécifique à une trajectoire de dialogue donnée.

Et après ?

Nous vous proposons une expérience qui vise à explorer ce que pourrait être un chatbot « sans sujet ».

👉 « IA sans sujet » est un GPT expérimental qui a pour instruction de répondre sans pronom personnel et en précisant ses sources. Aucune émotion, aucune flatterie, seulement des phrases neutres, descriptives, informatives.

Un test simple disponible dans la bibliothèque GPTs OpenAI : 🔗 https://chatgpt.com/g/g-68e367d00b0881918a8e817a8c085a77-ia-sans-sujet-ai-without-subject?model=gpt-5

En réaction à l’article du Monde : 🔗 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/10/04/comment-l-ia-altere-t-elle-notre-pensee-entretien-croise-entre-une-philosophe-et-un-entrepreneur_6644371_3232.html

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